samedi 21 juillet 2012

Ecoute et concentration

Il y a  "écoute des autres" et "écoute de soi". Et dans le tumulte général, où heureusement les médias de flux tendent à disparaitre au profit d'une écoute choisie, il faut faire silence, pour avancer. Ainsi tout semble affaire de zones d'influences, de zones d'interférences, et comme à l'intersection du bleu et du jaune on trouve du vert, parfois le meilleur se produit. Dans l'espace infini de la communication, on trouve toutes les nuances, de même que tous les degrés de dilutions.
Paul Klee, Ancient Sound, Abstract on Black, 1925
C'est non pas à celui qui parlera le plus fort dont les cris se fracasseront sur la voute du dogme et dont les fidèles abusés surferont comme sur une vague...
Mais c'est à celui saura rencontrer un échos, qui saura trouver la fréquence propre de son interlocuteur ou de son adversaire, pour transmettre ses idées et les offrir à la critique potentielle. On retrouve la structure en hémicycle de l'assemblée générale, préconisée par l'abbé Sièyes, et qui permet de consolider le pouvoir par autant d'échanges avec le peuple. On retrouve le peer-to-peer, ou "revue par les pairs" qui précède la publication d'un article chez le chercheur. De la même façon, en multipliant les possibilité de révisions par des tiers, le Web 2.0 nous projette t'il dans un monde globalement consolidé ? Asseoir ses idées ou les échafauder, telle est l'alternative, implacable, impitoyable et cruelle.
L'ennui étant que nous sommes programmés pour écouter, mais peut-être pas assez pour choisir ce que nous écoutons et pour en juger.
Pouvoir entendre et écouter, c'est pouvoir pénétrer d'autres mondes. Ainsi, l'élève possédant un contexte familial stable et dénué de préoccupations, sera plus attentif en classe et plus propice à se concentrer. Peut-être alors, d'une certaine façon, toute mesure gardée, multipliera t-il ses chances d'intégration ou d'ascension sociale (orthographe et calcul seront maîtrisés...). A l'extrême,  le manga "L’Orchestre des doigts" montre qu'avant l'apprentissage de la langue des signes, les sourds-muets se trouvaient être dans une souffrance extrême, celle ne ne pouvoir communiquer avec leurs parents et comprendre les punitions qui leur sont infligées, de pouvoir désigner en commun une même chose belle par un nom "Ciel", "Fleur", et ainsi de partager leur bonheur avec leurs camarades. L'impossibilité de prononcer le "Shibboleth" japonais, pourra leur être fatal.
L'orchestre des doigts, Osamu Yamamoto (Manga en 4 tomes)

Écouter le maître en classe, écouter le père ou la mère, se peut-être se qui assure la survie, du moins dans un premier temps. Ainsi on aime à se promener en terrain connu, à se laisser bercer par le ronron des savoirs présumés.
En musique on apprend à discerner la multiplicité des voix. On apprend également que le grave est plus difficile à percevoir que l'aigu. D'un morceau nous retenons généralement la mélodie, et non l'accompagnement, c'est naturel. Il faudra redoubler d'effort, voir acquérir un certain niveau de musique pour savoir discerner basses ou les harmonies sous-jacentes. Se concentrer sur le flux sonore choisi semble donc une seconde étape possible.
 Mais pour créer, ne faut-il pas à un moment donné faire silence ?

mercredi 25 janvier 2012

Miskasonik - actualités


Miskasonik vous souhaite  une excellente année 2012 ! :-)



 Une année qui commence bien et mal pour Miskasonik :

Tout d'abord "bien", puisque j'ai enfin entrepris d'ouvrir une page sur Soundcloud afin d'y intégrer peu à peu le matériau brut dont je dispose. Il s'agit d'enregistrements sonores fait lors d'un voyage sur les côtes de la Méditerranée (2002). Les nombreux extraits sonores : bruits de train, plage, port, église etc...n'y sont pas encore présent mais seulement pour l'instant un petit montage sonore "Sensei"(2002)


Mais l'année ne commence pas si bien, car je n'ai pu me libérer pour assister à la "Semaine du Son". Certains des lecteurs ont ils eu des échos ?




                                      A bientôt !

Vers une philosophie de l'écoute (2) : Note de lecture

Pour tenter de développer plus avant une philosophie de l’écoute, quoi de mieux que de nous appuyer sur l’expérience de l’auteur, journaliste et traducteur Jean-Pierre Brassac ?

     Le dernier de ses ouvrages, paru en 2005 au moment où la rédaction d’une constitution pour l'Europe posa la question de la place de la religion dans l’Union, s’intitule « Avec ou sans Dieu, 20 étudiants en Europe, religion et laïcité ». Je ne pourrais que recommander ce livre qui est le fruit d’un véritable projet : celui d’organiser par le biais d’Internet, un réseau d’échange et de discussion entre plusieurs étudiants d’Europe, d’origines et de confessions différentes, afin qu’ils comparent et décrivent leurs cultures respectives et la place occupée par la religion dans cette dernière. L’écriture de cet ouvrage est déjà le signe d’une conception de l’altérité tout a fait enrichissante, car dénuée de préjugée.
 
   Mais c’est ici un autre ouvrage publié en 2003 qui retiendra mon attention. Il s’agit du « Royaume qui porte l’eau à la mer ». Dans ce récit de voyage, c'est avec une égale humilité et au fil d’une langue extrêmement riche, que l’auteur va au devant d’éminentes personnalités des Pays Bas, tentant d’éclairer, par le biais des témoignages qu’elles nous livrent, la culture et l’histoire du pays.
Outre la démarche d’immersion totale favorisée par le chois du moyen de transport, j’ai apprécié le caractère éminemment interdisciplinaire de l’ouvrage puisque Jean-Pierre Brassac est doté d’une formation d’ethnologue et d’historien d’art. L'auteur ne néglige de s'intéresser à aucun des facteurs influant sur la culture des habitants, leur capacité à entreprendre ou leur conception du rôle de l'individu au sein de la société. Les éléments naturels avec lesquels les hommes ont dû composer génération après génération sont parmi les facteurs qui comptent, comme au Pays-Bas la rudesse de climat ou l’omniprésence de l’eau qui obligent à une veille constante. 
L'introduction que nous réserve l'auteur attirera notre attention puisqu'elle répond à une question cruciale qui rejoint notre "philosophie de l'écoute" : il s'agit des recommandations faites au voyageur :
Extrait :
« Surtout, ne pas voyager comme l’on parcourt les attractions d’un parc de loisirs. Laisse descendre en soi l’altérité. Devenir pour un temps ressortissant de l’Etat visité.
  Ne pas chercher de rapprochement avec le connu pour comprendre. Observer la société et sa culture dans leur réalité propre, leur étrangeté particulière.
  Entendre la voix personnelle du nous des autres à travers les modulations de son timbre singulier. Déceler l’universel dans le microcosmique.
   Ne pas chercher à satisfaire le besoin de croire en une référence fondamentale qui aurait sa source en quelque lieu idéal. Se dire que toute comparaison est également violence.
   Ne pas mesurer ce que l’on découvre ailleurs à l’aune des traits distinctifs du pays d’où l’on vient. Considérer la civilisation rencontrée comme absolument autonome dans son originalité, nécessairement accomplie dans son essence et ses œuvres. »
ou encore, p 218 « Ne pas corriger son élan d’enthousiasme. La candeur doit rester à la mesure des pensées paisibles qu’inspire ce pays. »

Pour en savoir plus :

lundi 3 octobre 2011

"Kepler music project" : Quand des musiciens de jazz s'inspirent de l'oeuvre de Kepler ...

Un congrès international de planétologie se tient à l'université de Nantes du 3 au 9 Octobre 2011. C'est dans le cadre de l'exposition "Voyage planétaire" qui accompagne le congrès que se tiendra le Samedi 8 Octobre à 14h30 une conférence historico-musicale autour de L'harmonie du monde de Kepler (1619).

dimanche 2 octobre 2011

Frimas


  J'ai donc été ravie de constater à plusieurs reprises, dans l'ouvrage de Jean-Pierre Brassac (Le Royaume qui porte l'eau à la mer), des descriptions d'univers sonores, qu'il s'agisse d'un passage où l'auteur assiste à une représentation d'une œuvre de Mozart ou de cet hommage au plus imposant des orgues de barbarie, celui nommé "De Arabier", qui semble être emblématique des rues commerçantes des Pays-Bas.
  En voici donc un court extrait : "Toutes les grandes villes ont leurs orgues de Barbarie. Enflammés de couleurs rutilantes, ces instruments ambulants créent l'ambiance spécifique des rues commerçantes. Des hommes se tiennent autour de l'orgue et font tinter leur sébile pour inciter les passant à y déposer leur obole au profit des concerts de plein air. Lorsque, en plein hiver vent et gel se mettent d'accord pour éprouver les corps, pour rappeler aux humains qu'ils sont l'un et l'autre les vrais maîtres du pays, alors cette musique torrentielle enveloppe le monde d'un voile féerique qui réhabilite le rêve et change en phénomène ludique le froid le plus sévère. Avec le nuage de buée sortant de leur bouche, les piétons prennent l'allure d'archanges égarés dans le scintillement urbain. Les cascades d'accords en folie ajoutent une belle part de burlesque au pas des humains engoncés dans leur épais vêtements. Les morsures de l'air s'en trouvent sublimées. (...) Quand on s'éloigne de l'avalanche sonore d'un orgue de Barbarie, un autre prend le relais à quelques centaines de mètres de là. Le centre de la ville s'amuse de cette abondances de notes gelées qui se déversent sans interruption, pareilles à des billes de verre, dans les rues. Chacun peut voir l'orgue engloutir des paquets entiers de feuilles de carton perforés. Les mouettes interloquées se révèlent incapables de concurrencer une telle puissance acoustique. Les voix humaines ne sont pas plus audibles que le cri des oiseaux dans le ciel sombre. Décidément, l'orgue étouffe chaque son de sa gaieté lancinante" Jean-Pierre Brassac Le Royaume qui porte l'eau à la mer : cinq saisons aux pays-bas.

mercredi 27 juillet 2011

Une expérience d'écoute

Les véritables historiens et critiques musicaux n'apprécieraient sans doute pas le récit que je vais livrer ici, qui relève peut-être tout simplement du délire poétique, est totalement subjectif, n'apporte pas grand chose sur l'œuvre elle-même (d'ailleurs non-identifiée).  Il s'agit d'une écoute faite durant l'année 2000, année Michel Chion, au Festival Futura
 
Néanmoins le texte qui suit soulève peut-être des questions intéressantes et sur la musique concrète ou sur la façon dont nous nous représentons inévitablement des images, ou situations pour correspondre à la musique écoutée. De situations concrètes ou vécues, elles deviennent parfois totalement sur-réelles ou physiquement impossibles. La fin du texte fait également référence au mécanisme de discrimination, d'identification des sons à l'oeuvre dans l'apprentissage des langues. On pense également à Leibniz.
Que choisir ? Qu'écouter ? Qu'isoler ? Que reconnaitre ? Qu'interpréter ? Il est parfois surprenant de se réveiller avec un bruit dont on s'aperçoit après coup que nous l'avons interprété totalement différemment en rêve qu'il doit l'être dans la vie réelle. Ex : Une personne dormant à côté d'une ligne de chemin de fer peut, au passage d'un train, se réveiller en sursaut, croyant s'être faite fusillée. Quel soulagement quand elle s'apercevra au réveil qu'il ne s'agissait que du passage d'un train !
Notes prises au festival international d'art acousmatique FUTURA 2000 à Crest (Drôme).
C'est une écoute ou une aventure. Au début, on garde les yeux ouverts, puis on trouve un point d'encrage et l'on part. C'est le bruit de la vie. Mais le disque est rayé, il passe à la mauvaise vitesse. Impossible de régler la station vie. Au loin l'orgue limonaire entendu dans l' enfance.  On devrait s'en souvenir, mais la mémoire flanche. Les sons sont inexacts. Un gosse apprend à lire. Ne peut-on jamais arriver à une perception pure ? Tout cela rend pessimiste. On semble avoir perdu quelque chose au fond de quelque chose. Il faut chercher.
Un type crie avec une grande ferveur qui semble endoctriner. Puis les pierres tombent comme des prières. Il ne reste que le rythme grave et régulier de la douleur humaine. Le tout est stocké en accéléré, le temps se dérobe.
Traversée d'un long couloir à travers l'histoire. On ne voit que le plafond. On entend les plaintes.
La colère a un point culminant. Une conclusion mot-clé.
L'occasion nous est donnée de suivre cette disparition jusqu'au bout.
Un vase se brise soudain. Mais ça tombe pendant 10 minutes. C'est un vieux vase chinois qui ne nous appartenait pas. On semble remplir un sceau qui est plus grand que le sceau. Les lois de la physique ne sont plus ce qu'elles étaient. Commencement (en ce moment) Un avion atterrit.
Une graine de vie gonfle. Quelque chose de totalement nouveau. Une étoile mystérieuse.  Si l'on imagine cela en mer, on périrait. Mais là non. Ce n'est pas seulement une traversée miraculeuse. Nous sommes à la limite de ne plus savoir. Pourquoi ?
Le geste se déchire. La série de notes est inversée en miroir. Ce qui réveille, c'est le mot que l'on connaît. Divin relâchement du moteur. Vol grillé. Encore la mort. On allume le poste. Il n'y a rien. Il subsiste juste une connexion lointaine, au cas où. Enfin la bonne vitesse.





La perception du son : nature vs nurture

S'intéresser à la physiologie de l'ouïe ou à la bioacoustique permet de se représenter à quel point l'audition musicale, malgré la finesse des analyses pouvant être développée à son propos, n'échappe pas aux lois de la physique ou de la biologie. Il serait intéressant d'analyser à quel point la culture nous permet de nous en affranchir ou dans quelle mesure les compositeurs de musique contemporaine, musique ordinairement considérée comme très intellectuelle, utilisent ces mécanismes.
Les vertus de la musicothérapie, le fait que la musique soit utilisée dans les lieux publics pour apaiser les tensions et éviter la violence, ou pour inciter à l'achat par le biais de publicités, le fait que certains dictateurs y aient eu recours dans leurs "spectacle total", ou la façon dont les compositeurs de musique de film utilisent la musique pour nous mettre à notre insu dans un état anxieux ou ému montrent bien que dans une certaine mesure l'audition musicale n'échappe pas aux "lois de la nature". Au même titre que les autres sens, elle est le fruit de l'évolution de notre espèce.

L'ouvrage d'Antonio Fischetti, aborde avec beaucoup d'humour le domaine de la bioacoustique et de la communication animale, comme on pourra en juger dans le passage suivant :

"Émettre du son, c'est bien ; mais cela revient à hurler dans le désert s'il n'y a personne pour vous entendre. Et entendre exige des oreilles. Cela peut sembler une évidence mais tout dépend de ce qu'on définit par "oreilles". Les humains appellent oreilles ce qui leur sert à poser des branches de lunettes. On ne voit pas d'oreilles dépasser d'un tête de mouche et de grenouille et, pourtant, ces animaux entendent fort bien. Ce qu'ils n'ont pas, ce sont des oreilles "externes", c'est à dire des "pavillons" qui dépassent de la tête. En vérité, les oreilles externes sont l'apanage des mammifères. Il s'agit d'un de leurs signes distinctifs au même titre que la présence des mamelles. A tel point que les biologistes, au lieu de se focaliser sur ces dernières pour définir les "mammifères" auraient pu les baptiser "pavillonnifères".
Les pavillons auditifs servent à diriger l'onde sonore dans le conduit auditif. Un procédé d'autant plus efficace que le pavillon est de grande taille, comme chez les chauves-souris, ou orientable, comme chez les chiens. Raffinement suprême chez ceux, tel l'âne ou le cheval, qui vont jusqu'à bouger les oreilles indépendamment l'une de l'autre. Quoiqu'utiles, les oreilles externes sont loin d'être indispensables pour entendre. L'essentiel se joue au fond du conduit auditif. Nichée au bout de ce canal, se trouve une fine membrane appelée "tympan" dont l'une des faces est en contact avec l'air tandis que l'autre, du côté intérieur, est reliée à une chaîne de petits os, judicieusement appelés osselets. L'onde atteint le tympan, puis les osselets, avant d'être transmise à l'intérieur de la tête où elle actionne des cellules nerveuses qui envoient l'information au cerveau. et c'est là que le son prends sens en étant identifié ( ou non) en fonction de l'expérience antérieure : aboiement de chien, cri d'oiseau, voix humaine... Identification qui conduit le récepteur du son à adopter la réaction la mieux adaptée : fuite, rapprochement, agressivité..."
FISCHETTI, Antonio, "La symphonie animale", Vuibert/ Arté éditions, mars 2007 : p25 et 26 Chapitre "Emettre et recevoir" : A chacun son écoute"

Dans le monde aquatique, le son se propage beaucoup plus vite que dans l'air et joue un rôle primordial dans la survie des espèces (attaque de ennemi, reproduction, repérage spatial...). Les écologistes sont d'ailleurs préoccupés par la disparition des baleines causée par la fréquentation des océans par nos navires. De même il est mentionné dans l'ouvrage d'A. Fischetti que le chant des oiseaux se trouve peu à peu modifié par le bruit ambiant dans les villes (malheureusement il s'agit d'un appauvrissement).