lundi 3 octobre 2011

"Kepler music project" : Quand des musiciens de jazz s'inspirent de l'oeuvre de Kepler ...

Un congrès international de planétologie se tient à l'université de Nantes du 3 au 9 Octobre 2011. C'est dans le cadre de l'exposition "Voyage planétaire" qui accompagne le congrès que se tiendra le Samedi 8 Octobre à 14h30 une conférence historico-musicale autour de L'harmonie du monde de Kepler (1619).

dimanche 2 octobre 2011

Frimas


  J'ai donc été ravie de constater à plusieurs reprises, dans l'ouvrage de Jean-Pierre Brassac (Le Royaume qui porte l'eau à la mer), des descriptions d'univers sonores, qu'il s'agisse d'un passage où l'auteur assiste à une représentation d'une œuvre de Mozart ou de cet hommage au plus imposant des orgues de barbarie, celui nommé "De Arabier", qui semble être emblématique des rues commerçantes des Pays-Bas.
  En voici donc un court extrait : "Toutes les grandes villes ont leurs orgues de Barbarie. Enflammés de couleurs rutilantes, ces instruments ambulants créent l'ambiance spécifique des rues commerçantes. Des hommes se tiennent autour de l'orgue et font tinter leur sébile pour inciter les passant à y déposer leur obole au profit des concerts de plein air. Lorsque, en plein hiver vent et gel se mettent d'accord pour éprouver les corps, pour rappeler aux humains qu'ils sont l'un et l'autre les vrais maîtres du pays, alors cette musique torrentielle enveloppe le monde d'un voile féerique qui réhabilite le rêve et change en phénomène ludique le froid le plus sévère. Avec le nuage de buée sortant de leur bouche, les piétons prennent l'allure d'archanges égarés dans le scintillement urbain. Les cascades d'accords en folie ajoutent une belle part de burlesque au pas des humains engoncés dans leur épais vêtements. Les morsures de l'air s'en trouvent sublimées. (...) Quand on s'éloigne de l'avalanche sonore d'un orgue de Barbarie, un autre prend le relais à quelques centaines de mètres de là. Le centre de la ville s'amuse de cette abondances de notes gelées qui se déversent sans interruption, pareilles à des billes de verre, dans les rues. Chacun peut voir l'orgue engloutir des paquets entiers de feuilles de carton perforés. Les mouettes interloquées se révèlent incapables de concurrencer une telle puissance acoustique. Les voix humaines ne sont pas plus audibles que le cri des oiseaux dans le ciel sombre. Décidément, l'orgue étouffe chaque son de sa gaieté lancinante" Jean-Pierre Brassac Le Royaume qui porte l'eau à la mer : cinq saisons aux pays-bas.

mercredi 27 juillet 2011

Une expérience d'écoute

Les véritables historiens et critiques musicaux n'apprécieraient sans doute pas le récit que je vais livrer ici, qui relève peut-être tout simplement du délire poétique, est totalement subjectif, n'apporte pas grand chose sur l'œuvre elle-même (d'ailleurs non-identifiée).  Il s'agit d'une écoute faite durant l'année 2000, année Michel Chion, au Festival Futura
 
Néanmoins le texte qui suit soulève peut-être des questions intéressantes et sur la musique concrète ou sur la façon dont nous nous représentons inévitablement des images, ou situations pour correspondre à la musique écoutée. De situations concrètes ou vécues, elles deviennent parfois totalement sur-réelles ou physiquement impossibles. La fin du texte fait également référence au mécanisme de discrimination, d'identification des sons à l'oeuvre dans l'apprentissage des langues. On pense également à Leibniz.
Que choisir ? Qu'écouter ? Qu'isoler ? Que reconnaitre ? Qu'interpréter ? Il est parfois surprenant de se réveiller avec un bruit dont on s'aperçoit après coup que nous l'avons interprété totalement différemment en rêve qu'il doit l'être dans la vie réelle. Ex : Une personne dormant à côté d'une ligne de chemin de fer peut, au passage d'un train, se réveiller en sursaut, croyant s'être faite fusillée. Quel soulagement quand elle s'apercevra au réveil qu'il ne s'agissait que du passage d'un train !
Notes prises au festival international d'art acousmatique FUTURA 2000 à Crest (Drôme).
C'est une écoute ou une aventure. Au début, on garde les yeux ouverts, puis on trouve un point d'encrage et l'on part. C'est le bruit de la vie. Mais le disque est rayé, il passe à la mauvaise vitesse. Impossible de régler la station vie. Au loin l'orgue limonaire entendu dans l' enfance.  On devrait s'en souvenir, mais la mémoire flanche. Les sons sont inexacts. Un gosse apprend à lire. Ne peut-on jamais arriver à une perception pure ? Tout cela rend pessimiste. On semble avoir perdu quelque chose au fond de quelque chose. Il faut chercher.
Un type crie avec une grande ferveur qui semble endoctriner. Puis les pierres tombent comme des prières. Il ne reste que le rythme grave et régulier de la douleur humaine. Le tout est stocké en accéléré, le temps se dérobe.
Traversée d'un long couloir à travers l'histoire. On ne voit que le plafond. On entend les plaintes.
La colère a un point culminant. Une conclusion mot-clé.
L'occasion nous est donnée de suivre cette disparition jusqu'au bout.
Un vase se brise soudain. Mais ça tombe pendant 10 minutes. C'est un vieux vase chinois qui ne nous appartenait pas. On semble remplir un sceau qui est plus grand que le sceau. Les lois de la physique ne sont plus ce qu'elles étaient. Commencement (en ce moment) Un avion atterrit.
Une graine de vie gonfle. Quelque chose de totalement nouveau. Une étoile mystérieuse.  Si l'on imagine cela en mer, on périrait. Mais là non. Ce n'est pas seulement une traversée miraculeuse. Nous sommes à la limite de ne plus savoir. Pourquoi ?
Le geste se déchire. La série de notes est inversée en miroir. Ce qui réveille, c'est le mot que l'on connaît. Divin relâchement du moteur. Vol grillé. Encore la mort. On allume le poste. Il n'y a rien. Il subsiste juste une connexion lointaine, au cas où. Enfin la bonne vitesse.





La perception du son : nature vs nurture

S'intéresser à la physiologie de l'ouïe ou à la bioacoustique permet de se représenter à quel point l'audition musicale, malgré la finesse des analyses pouvant être développée à son propos, n'échappe pas aux lois de la physique ou de la biologie. Il serait intéressant d'analyser à quel point la culture nous permet de nous en affranchir ou dans quelle mesure les compositeurs de musique contemporaine, musique ordinairement considérée comme très intellectuelle, utilisent ces mécanismes.
Les vertus de la musicothérapie, le fait que la musique soit utilisée dans les lieux publics pour apaiser les tensions et éviter la violence, ou pour inciter à l'achat par le biais de publicités, le fait que certains dictateurs y aient eu recours dans leurs "spectacle total", ou la façon dont les compositeurs de musique de film utilisent la musique pour nous mettre à notre insu dans un état anxieux ou ému montrent bien que dans une certaine mesure l'audition musicale n'échappe pas aux "lois de la nature". Au même titre que les autres sens, elle est le fruit de l'évolution de notre espèce.

L'ouvrage d'Antonio Fischetti, aborde avec beaucoup d'humour le domaine de la bioacoustique et de la communication animale, comme on pourra en juger dans le passage suivant :

"Émettre du son, c'est bien ; mais cela revient à hurler dans le désert s'il n'y a personne pour vous entendre. Et entendre exige des oreilles. Cela peut sembler une évidence mais tout dépend de ce qu'on définit par "oreilles". Les humains appellent oreilles ce qui leur sert à poser des branches de lunettes. On ne voit pas d'oreilles dépasser d'un tête de mouche et de grenouille et, pourtant, ces animaux entendent fort bien. Ce qu'ils n'ont pas, ce sont des oreilles "externes", c'est à dire des "pavillons" qui dépassent de la tête. En vérité, les oreilles externes sont l'apanage des mammifères. Il s'agit d'un de leurs signes distinctifs au même titre que la présence des mamelles. A tel point que les biologistes, au lieu de se focaliser sur ces dernières pour définir les "mammifères" auraient pu les baptiser "pavillonnifères".
Les pavillons auditifs servent à diriger l'onde sonore dans le conduit auditif. Un procédé d'autant plus efficace que le pavillon est de grande taille, comme chez les chauves-souris, ou orientable, comme chez les chiens. Raffinement suprême chez ceux, tel l'âne ou le cheval, qui vont jusqu'à bouger les oreilles indépendamment l'une de l'autre. Quoiqu'utiles, les oreilles externes sont loin d'être indispensables pour entendre. L'essentiel se joue au fond du conduit auditif. Nichée au bout de ce canal, se trouve une fine membrane appelée "tympan" dont l'une des faces est en contact avec l'air tandis que l'autre, du côté intérieur, est reliée à une chaîne de petits os, judicieusement appelés osselets. L'onde atteint le tympan, puis les osselets, avant d'être transmise à l'intérieur de la tête où elle actionne des cellules nerveuses qui envoient l'information au cerveau. et c'est là que le son prends sens en étant identifié ( ou non) en fonction de l'expérience antérieure : aboiement de chien, cri d'oiseau, voix humaine... Identification qui conduit le récepteur du son à adopter la réaction la mieux adaptée : fuite, rapprochement, agressivité..."
FISCHETTI, Antonio, "La symphonie animale", Vuibert/ Arté éditions, mars 2007 : p25 et 26 Chapitre "Emettre et recevoir" : A chacun son écoute"

Dans le monde aquatique, le son se propage beaucoup plus vite que dans l'air et joue un rôle primordial dans la survie des espèces (attaque de ennemi, reproduction, repérage spatial...). Les écologistes sont d'ailleurs préoccupés par la disparition des baleines causée par la fréquentation des océans par nos navires. De même il est mentionné dans l'ouvrage d'A. Fischetti que le chant des oiseaux se trouve peu à peu modifié par le bruit ambiant dans les villes (malheureusement il s'agit d'un appauvrissement).

Le maître de musique

Il est parfois surprenant de voir à quel point les conseils donnés par un grand maître du piano à un jeune musicien qu'il destine à une carrière de professionnelle touchent des aspects très divers : concentration, posture du corps, écoute... Dans une importante master class, j'avais pu relever quelques phrases à la volée dont on pourra remarquer que la portée excède parfois le champ de la musique, touchant à l'essence de l'art lui-même ou nous portant plus loin encore.

On ne peut pas s'asseoir sur deux chaises à la fois. Pour s'asseoir sur une nouvelle chaise, il faut d'abord quitter la première.
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Je ne joue pas la musique qui a été écrite sur la partition, je joue celle qui n'a pas encore été écrite, celle qui est pensée, éprouvée par le compositeur
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L'être humain à pour but de ne plus souffrir : le moyen est l'instrument. Le piano est toujours consentant.
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Penses-tu qu'il soit illégal d'être heureux ?
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L'art immortalise la nature qui l'a créé et veut l'immortalité
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La préparation mentale et le silence intérieur du musicien, tout comme la préparation du geste pour jouer le son dont on rêve sont ce qu'il y a de plus important.
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Tout peut être joué, il faut juste trouver une bonne position de la main. Ne pas lutter contre, mais jouer avec.

On voit que les conseils donnés au musicien ne concerne pas seulement son jeu mais sa personne tout entière, sa générosité. Et c'est là ou le travail de celui-ci devient intéressant. Le jeu du musicien dépend-il de tout se dont il se nourrit ? Dans ce cas pourquoi trouve t-on de petits prodiges qui n'ont que très peu vécu mais remplissent parfois très bien leurs rôles d'interprètes c'est à dire de messagers.

dimanche 6 mars 2011

Les bandes-son de Jacques Tati : un rôle de premier plan

L'attention portée par Jacques Tati à ses bandes-son n'est un secret pour aucun amateur de cinéma. Tati provoqua un bouleversement de la hiérarchie interne du cinéma sonore ;  la parole n'y est qu'un bruit parmi les autres. L'originalité du traitement du son chez Tati est peut-être à chercher dans le parcours du cinéaste : dans les spectacles qu'il réalisa comme mime, un accessoiriste "hors-champ" réalisait les bruitages. Tati en a peut-être retenu l'idée de la séparation des sources car dans ces films, tous les sons sont re-traités après coup : amplifiés, répétés. Un effet de décalage est ainsi produit, amplifiant l'aspect comique.
L'enchaînement des bruits devenant musique, peut-être peut-on voir un lien entre la texture sonore de ses films, en multiples plans et la musique "acousmatique"?
L'objet ici n'est aucunement de faire une analyse cinématographique. J'ai choisi les ""scènes"" qui suivent, pour leur qualité intrinsèque, indépendante du déroulement du film, et surtout car le son y tient le premier rôle. 

Inintelligibilité

"Les vacances de Mr Hulot" 1953

Clandestinité


"Mon Oncle" 1958

 Dans la première, le son influe sur le déroulement même de l'action. La seconde se déroule dans le silence exigé par le caractère clandestin de l'opération et les bruits trahissent la présence du personnage. Dans les deux cas, l'écoute s'y fait cruciale : rater un train, c'est aussi manquer un embranchement, possiblement inverser le cours de son existence ; être intercepté lors d'une opération secrète c'est également courir un risque important. Dans le premier cas on touche au problème du son et du sens - que va t-on comprendre, retenir, sélectionner de ce qui nous est dit, comment va t-on l'interpréter ?- dans le second cas on rejoint le sens primaire de l'ouïe : celui qui permettait par exemple aux premiers animaux de détecter l'arrivée d'un prédateur. Mais n'est ce pas au fond une seule et même chose, la capacité à discerner ce qui fait sens, à isoler dans l'environnement le plus riche, les informations les plus pertinentes ?

jeudi 3 mars 2011

Leçon de musique, leçon de vie ?

Avec Evelyn Glennie nous apprenons que la surdité partielle n'empêche pas de pratiquer l'art musical, mais qui plus est, peut permettre au musicien de développer une "acuité" particulière, d'une précision extrême, et conduire un interprète, non seulement à satisfaire les plus grandes exigences de cet art mais aussi à les transcender. Dans la vidéo qui suit, la percussionniste à la chevelure de feu, donne une conférence où elle relate son parcours remarquable qui a contribué l'acceptation de personnes "handicapées" dans les cursus musicaux de grands conservatoires. Son approche offre un complément de formation hors des sentiers battus pour tout musicien s'intéressant à la perception sonore et modifie l'acceptation habituelle du concept "d'interprétation musicale".